sentir

2e édition

SENTIR.

verbe actif.
■  Avoir une perception des objets par le moyen des organes des sens. Sentir un frais agreable. sentir un grand plaisir. sentir une chaleur douce. quand on est bien las on sent un grand plaisir à se reposer. sentir un grand froid. sentir du froid. sentir une grande douleur de teste. sentir une pesanteur dans le bras. sentir des inquietudes dans les jambes. Il ne se dit point des simples perceptions de la veuë & de l’oüie.
Il s’employe aussi en parlant des differentes affections de l’ame. Il a senti une grande joye de la nouvelle qu’il a receue. il a senti une grande affliction de la mort de son fils.
■ Sentir Signifie fig. Avoir le cœur touché, l’ame esmeuë de quelque chose d’exterieur. Il sent comme il doit le bien qu’on lui fait. il ne sent point les affronts. il ne sent point la perte qu’il a faite. c’est un homme qui sent les moindres plaisirs qu’on luy fait. il sent fort la perte qu’il a faite. il ne sent point les affronts.
■ Sentir, Signifie aussi, Flairer. Sentir une rose. sentir une tubereuse. quand il sent les parfums, ils luy font mal. il est enrhumé il ne sent rien.
■ Sentir, Signifie aussi Exhaler, respandre une certaine odeur. Sentir bon. sentir mauvais. cela sent le bruslé. cela sent la fleur d’orange. sentir l’enfermé. sentir le relent. sentir la garenne, le sauvagin. cette femme sent le gousset. Et en ce sens il se prend quelquefois neutralement. Cela sent. cela sent trop fort. cela sent desagreablement.
Dans ce sens on dit à l’impersonnel, Il sent bon. il sent mauvais. il sent le bruslé dans cette chambre, pour dire, Il y a icy une bonne, une meschante odeur, une odeur de bruslé.
■ Sentir, Estant mis absolument dans le mesme sens signifie, Sentir mauvais. Fy que cela sent ! son haleine sent. ses pieds sentent. cette viande commence à sentir.
■ Sentir, Se dit aussi Du goust, de la saveur d’une viande, d’une boisson. Cette soupe ne sent rien. cette eau sent la terre. cette carpe sent la bourbe. ce vin sent la framboise, sent le fust, sent le terroir. il sent un goust. ce cidre sent le pourri.
On dit proverbialement & figurément, que La caque sent tousjours le hareng, En parlant de ceux qui par quelque action ou par quelque parole, font voir qu’ils retiennent encore quelque chose de la bassesse de leur naissance, ou des mauvaises impressions qu’ils ont receuës. Il estoit heretique, il s’est converti par interest, mais la caque sent tousjours le hareng.
On dit proverbialement & figurément, qu’Un homme sent le fagot, pour dire, qu’Il est soupçonné de libertinage, ou d’heresie. Et cette phrase s’est formée du temps que l’on brusloit les Heretiques.
■ Sentir. verbe actif. Signifie quelquefois, S’appercevoir, connoistre. Je sens bien qu’on me trompe. je sentois bien qu’on n’y alloit pas de bonne foy. je me sens trop foible pour cela. il sentoit bien qu’on ne le craignoit plus. on sent dans ces vers quelque chose de dur, de negligé, &c.
On dit dans le mesme sens, Je le sentis venir de loin, pour dire, Je connus, je penetray où il en vouloit venir.
Il signifie aussi quelquefois Esprouver. Il sentira, il lui fera sentir sa colere.
On dit prov. qu’Un homme sent de loin, pour dire, qu’Il descouvre, qu’il prevoit les choses de loin.
■ Sentir. verbe neutre. Signifie aussi Avoir les qualitez, les manieres, l’air, l’apparence de &c. Il sent l’enfant de bonne maison. il sent son enfant de bonne maison. il sent l’homme de qualité, son homme de qualité. cette action-là ne sent point l’honneste-homme, son honneste homme. l’action de cet homme-là sent bien ce qu’il est. cette proposition sent l’heresie.
On dit dans le mesme sens, qu’Un homme, qu’une femme sent son bien, pour dire, qu’Ils ont les manieres, l’un d’un homme bien né, l’autre d’une femme bien elevée.
On dit proverb. qu’Un homme sent le sapin, pour dire, qu’Il est mal sain, infirme, & qu’il a la mine de mourir bientost, parce qu’on met les morts dans une bierre de sapin.
On dit aussi prov. qu’Un homme sent le terroir, pour dire, qu’Il a les defauts qu’on attribuë aux gens du pays d’où il est.
On le dit aussi des ouvrages d’esprit, quand ils portent les marques du pays de leur autheur.
On dit aussi, qu’Une Terre, qu’une maison sent la poudre à canon, pour dire, qu’Une Terre, qu’une maison est sur une frontiere, exposée aux malheurs de la guerre.
On dit, qu’Une action sent le gibet, la rouë, les coups de baston, pour dire, que Celuy qui l’a commise, court risque d’estre pendu, roüé, bastonné.
On dit proverbialement, qu’Un homme, qu’un valet sent le vieux battu, son vieux battu, pour dire, qu’Il est devenu insolent, parce qu’il n’a pas esté chastié depuis long-temps. On dit de mesme, qu’Un enfant sent le vieux foüetté. Il est bas.
■ Sentir. v. act. Connoistre. Il sent son ignorance. il sent bien ses forces.
■ Se sentir. Connoistre, sentir en quel estat on est. Je me sens bien, je ne suis pas si malade qu’on croit. il ne se sentit point mourir. il est si ravi, il a tant de joye, qu’il ne se sent pas. il ne se sent pas de joye. ce jeune homme, cette jeune fille commence à se sentir.
On dit dans ce sens, qu’Un homme se sent bien, pour dire, qu’Il connoist bien les qualitez qu’il a, ce qui lui est deu, ce que l’on doit à son rang, à son merite. Il se sentoit bien quand il a entrepris une affaire si difficile. cet homme se sent bien, il ne souffrira pas qu’on le maltraite. il ne fera rien d’indigne de luy.
On dit d’Une personne engourdie de froid, ou d’avoir esté long-temps dans une mesme situation, qu’Elle ne se sent pas. il est si engourdi qu’il ne se sent pas. il ne se sent pas de froid.
On dit, Se sentir de quelque chose, pour dire simplement, Sentir quelque chose. Depuis quand commence-t-il à se sentir de la goute ? il ne se sent point des incommoditez de la vieillesse.
On dit, Il ne se sent pas de joye, pour dire, p. 583Il est si penetré, si occupé de sa joye qu’elle lui oste tout autre sentiment.
On dit, Se sentir de quelque mal, de quelque bien, pour dire, En avoir quelque reste. Il a eu la fievre quarte, il s’en sent encore. il fit une grande cheute, il s’en sentira tousjours. il a fait une grande perte au jeu, il s’en sentira long-temps. ce pays se sent encore de la guerre. le pere estoit dans la faveur, les enfants s’en sentent encore. quoiqu’il y ait long-temps qu’il soit à Paris, il se sent tousjours de la Province.
Il signifie aussi, Avoir part au bien ou au mal. S’il y a du bien ou du mal, il s’en sentira. on a donné tant pour les domestiques, il faut le distribuer à tous, afin que chacun s’en sente.
On dit prov. & ironiquement à l’occasion d’un homme qui est yvre, On ne sçauroit si peu boire qu’on ne s’en sente, pour dire, que Pour peu qu’un homme boive plus qu’à l’ordinaire, il y paroist dans ses actions, dans ses discours.
■ Senti, ie. participe. Il a peu d’usage.
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