Dire, Ne pas dire
Dire, Ne pas dire • Bonheurs et surprises
Closeries, ouches, hortillons, plessis et autres jardins
Sans doute est-ce pour les protéger des voleurs, hommes ou animaux, qu’il était si important de fermer le plus hermétiquement possible les jardins, et que nombre de mots qui les désignent ont une lointaine origine qui évoque l’idée de clôture.
Le plus proche étymologiquement de clos était la closerie, qui a d’abord désigné un petit domaine fermé de haies ou de murs, le plus souvent confié en fermage à un closier. Au xixe siècle, ce même mot a désigné un jardin aménagé où l’on organisait des attractions publiques, des bals. La plus connue était la Closerie des Lilas, où l’on pouvait croiser, dans les premières années du siècle dernier, un exilé russe du nom de Lénine jouant aux échecs avec le poète Paul Fort.
Le nom jardin, quant à lui, est issu de l’adjectif gallo-romain gardinus, « enclos, fermé », qui est tiré d’une forme franque gart, « clôture » ; cette forme est aussi à l’origine de l’allemand Garten. Dans le Nord de la France, jardin s’est longtemps prononcé gardin et c’est cette forme que l’anglais a empruntée avant d’en faire le nom garden.
Autre terme pour désigner un jardin, l’ancien français plessis, qui ne subsiste aujourd’hui que dans les toponymes. C’était jadis un enclos, fait de branches entrelacées, mortes ou vives, enfermant un jardin ou une basse-cour ; cette technique, le plessage, est très ancienne. César l’évoque dans La Guerre des Gaules et se montre très admiratif du caractère infranchissable des enclos ainsi obtenus ; dans Le Roman de Renard, ces plessis sont si hermétiquement clos que le malheureux goupil ne peut y dérober la moindre poule. Ce mot est issu du verbe latin plectere, « tresser ».
Dans cette grande famille des noms désignant des jardins clos, on trouve également le nom féminin ouche. Il désigne lui aussi un jardin fermé de haies, ou, comme l’écrit George Sand dans La Petite Fadette, un beau verger. Ce mot ne s’emploie plus guère que régionalement, mais il était si répandu autrefois qu’on le trouve écrit de plus de quinze manières différentes. Il se rencontre encore aujourd’hui dans des toponymes, en particulier des lieux-dits comme l’Ouche au bègue, l’Ouche-Villiers, et des patronymes, comme Delouche, Deloche ou Desouches. Curieusement, cette ouche n’est pas celle que l’on trouve dans le pays d’Ouche, région située à cheval sur les départements de l’Orne et de l’Eure et dont le nom est d’origine incertaine.
En français, les formes savantes liées au jardin sont, elles, tirées du latin hortus : horticole, horticulture, etc. Ce hortus est à l’origine, par l’intermédiaire de l’ancien français ortel, du nom hortillon, qui désigne à la fois, en Picardie, des maraîchers et des jardins gagnés sur les marécages de la Somme. Hortus est issu de la même forme que le germanique gart, que nous avons cité plus haut, et c’est de ce nom, hortus qu’est dérivé cohors (désignant d’abord une cour de ferme, un enclos puis une formation militaire serrée, une cohorte), qui est à l’origine du français cour. Ainsi, cour et jardin, diamétralement opposés sur une scène de théâtre se trouvent donc être, linguistiquement, des parents.
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