estre

2e édition

[I.] ESTRE.

↪ voir aussi : [II.] Estre (n. m.)
■  Verbe que les Grammairiens appellent Le Verbe substantif. Exister. Dieu dans l’Escriture sainte s’appelle Celuy qui est. Celuy qui est m’a envoyé, disoit Moïse. tous les hommes qui ont esté, qui sont ou qui seront. vous n’estiez pas encore au monde.
Ce verbe sert à attribuer quelque chose à un sujet, soit touchant l’espece & les proprietez, soit touchant les qualitez, le lieu, le temps, &c. Cette proposition est vraye, est fausse. cet homme est sage, est grand, est vertueux, est fou, n’est pas sçavant. il est couché. il est debout. nous estions en esté, en hiver. il est en tel endroit. cela est bien je veux qu’il soit de la sorte. s’il est bien qu’il s’y tienne. son Medecin dit qu’il est mieux. je ne veux pas estre plus que je suis.
On dit, Cela est, cela n’est pas, pour dire, Cela est vray, cela n’est pas vray. Cela sera, cela ne sera pas, pour dire, Cela arrivera, cela n’arrivera pas.
■ Estre, Sert aussi à marquer le temps qu’on employe à quelque chose. Il sera long-temps à cet ouvrage.
On dit, Estre bien, estre mal avec quelqu’un, pour dire, Estre dans ses bonnes graces, ou estre broüillé avec luy.
On dit, N’estoit que, si ce n’estoit que. n’eust esté que je suis de vos amis, pour dire, Si je n’estois pas de vos amis. Il est du style familier.
On met souvent le pronom Ce, devant ce verbe, pour demontrer. C’est un homme, c’est luy ; ou aprés, pour interroger. Qui est-ce ? qu’est-ce ? ou pour resumer. Aussi est-ce, si est-ce que. Voyez le mot CE. Ce dernier est vieux.
On le met aussi impersonnellement. Il est nuit. il est jour. il est onze heures. il est à croire, à presumer, pour dire, On peut croire, on peut presumer. On dit, Il n’est pas en moy. il n’est pas en vous de faire telle chose, pour dire, Il n’est pas en mon pouvoir, en vostre pouvoir. Ouy, je l’ay dit, qu’en est-il ? On le mot souvent pour Il y a. Il est des hommes assez meschants. il en est de bons. il en est de mauvais.
Il sert quelquefois avec la preposition En, à comparer, à marquer la similitude, la conformité des choses. Il en est des vers comme des melons, s’ils ne sont excellents ils ne valent rien. p. 606il en est des Peintres comme des Poëtes, ils ont la liberté de feindre.
Il se dit encore, De ce qui peut arriver, de ce qui peut s’ensuivre de quelque chose. Il l’a traité outrageusement, & il n’en a rien esté. quand il l’auroit maltraité, qu’en seroit-il ? il n’en seroit rien. il en sera ce qu’il plaira à Dieu. il sera, il en sera de cette affaire ce qu’il plaira aux Juges.
On dit, Il est du devoir d’un homme. il est d’un honneste homme de faire cela, pour dire, Un honneste homme doit faire cela. Il est de la generosité. il est de la justice de faire telle chose, pour dire, La generosité, la justice obligent à faire telle chose. Cela est de justice, pour dire, Cela est juste. Cela est de Droit. il est de son interest.
■ Estre, Signifie aussi, Appartenir. Tout est à Dieu. cette maison, cette terre est à un tel. cet enfant est à moy. je suis à un tel. cet Officier est au Roy. ce valet est à vous.
On dit à peu prés dans le mesme sens, C’est à vous à parler. c’est au Juge à prononcer.
On dit par maniere de compliment, Je suis tout à vous, entierement à vous, pour dire, Je suis à vostre service.
Il sert à marquer l’origine de quelque chose, le lieu d’où elle vient, l’autheur qui l’a faite, de quelle profession il est. Ce vin est de Bourgogne. ce livre est de la Bibliotheque du Roy. ce tableau est du Poussin, du Titien. ces vers sont d’Homere, de Virgile. il est d’Eglise. il est d’espée. il est de robe.
On dit, Cela est bien de son genie, cela est bien de luy, pour dire, Cela est conforme à son genie, à son humeur, à son charactere.
Il signifie aussi, Faire partie d’une chose, d’un nombre. Cet effet est de la succession. cela est de mon partage. cela n’est pas du compte. il n’est pas des complices. il sera de mes Juges. il est du Parlement. il est de nostre partie. voulez-vous estre de la partie ?
Il signifie aussi, Entrer en part, en societé, s’interesser. Il y a un grand marché à faire, en voulez-vous estre ? j’en seray de moitié. j’y suis pour un tiers. il y est bien avant. il n’est jamais de rien. en voulez-vous estre ? cet homme est de tout.
On dit fig. Quand une personne fait ou dit quelque chose qui ne se devoit pas faire ou dire & à quoy on ne s’attendoit pas. Cela n’en est pas. celuy-là n’en est pas.
■ Estre, Se dit aussi, Du point, de l’estat où est une affaire. Où en sommes-nous à cette heure ? voilà où nous en sommes. où en estes-vous de vostre procés ? j’en suis au Parlement, au Conseil. j’en suis à chercher des preuves. il en est à l’A, B, C. il croit gagner son procés, mais il n’en est pas où il pense. quelle pitié d’en estre tousjours là.
On dit par estonnement à un homme, En estes-vous-là ? pour, Croyez-vous cela ? ou bien, Estes-vous donc dans cette resolution, dans cette erreur ?
On dit, qu’Un homme en est, qu’il en a esté pour son argent, pour dire, qu’il a perdu son argent pour sa peine. En cette banqueroute il en a esté pour mille escus.
On dit aussi par indignation, par forme de plainte, quand on voit quelque grand desordre. Hé, où en sommes-nous ?
On dit à une personne qui ne devine pas bien, qui ne comprend pas, qui ne touche pas le point d’une affaire, Vous n’y estes pas. Et au contraire, vous y estes.
On dit, d’Un homme troublé, embarrassé, qui ne sçait ce qu’il fait, qui ne sçait par où sortir d’affaire, qu’Il ne sçait où il en est.
■ Estre, Se met aussi, pour, Aller en quelque endroit. Il a esté deux fois à Rome. il fut en Italie par terre. j’aurois esté chez vous. quand j’auray esté là. On dit plus ordinairement, Il est allé, il alla, je serois allé, &c. J’ay esté chez vous, pour dire, Je suis allé chez vous.
Il signifie aussi, Se trouver en un lieu. Je ne seray pas à l’assemblée. je n’y veux pas estre. cet Evesque estoit au Concile.
Il signifie aussi, Se rendre auprés de quelqu’un. Attendez un moment, je suis à vous.
Il sert aussi à marquer le sentiment, l’opinion. Je suis pour un tel. je suis pour cette opinion.
La troisiéme personne singuliere du subjonctif de ce verbe, qui est, Soit, s’employe pour conceder, pour accorder. Hé bien, soit.
On dit par une maniere de souhait. Ainsi soit-il.
Il est quelquefois conjonction, & se met devant les choses qui sont opposées ou diverses, comme Soit qu’il veille, soit qu’il dorme. Il fit une telle entreprise, soit qu’il eust dessein de … soit qu’il se promist que …
L’un des principaux usages de ce verbe est d’estre auxiliaire, & de servir à former les verbes passifs & à conjuguer quelques verbes neutres & tous les verbes qui prennent le pronom personnel, estant joint avec leur participe. Je suis aimé. il a esté aimé. quand il sera aimé. que je fusse aimé, &c. il est passé. il est venu. il s’est degagé. il s’en est allé. il est tombé. il est descendu. il s’est blessé. ils se sont embrassez.
Il sert aussi à conjuguer en quelques temps tous les verbes actifs qu’on met impersonnellement. Il s’est basti bien des maisons à Paris depuis trente ans. il s’est commis un grand crime en ce lieu-là. il s’est tenu une assemblée, &c.
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