jeu

5e édition

JEU.

s. m.
■  Divertissement, récréation. Ce terme se dit, généralement parlant, De tout ce qui se fait par esprit de gaieté et par pur amusement. Jeu innocent. Jeu sans malice. Jeu d’enfant. Jouer à de petits jeux. Il a dit cela par manière de jeu.
On apelle Jeux de main, Les jeux où l’on joue à se donner de petits coups les uns aux autres. C’est dans cette acception qu’on dit, Jeux de main, jeux de vilain. Et en parlant Des jeux qui vont à fâcher ou à blesser quelqu’un, on dit, que Ce sont de rudes jeux ; et proverbialement, que Ce sont jeux de Prince qui ne plaisent qu’à ceux qui les font ; ou absolument, que Ce sont jeux de Prince.
On dit aussi familièrement d’Une affaire grave et sérieuse, d’un engagement duquel on ne se peut dédire, que Ce n’est pas un jeu d’enfant, que ce n’est pas jeu d’enfant.
On dit, Prendre quelque chose en jeu, pour dire, Le prendre en plaisanterie ; et, Cela passe le jeu, cela est plus fort que le jeu, pour dire, Cela passe la raillerie.
On dit d’Une chose qu’on fait facilement, que Ce n’est qu’un jeu. Les plus grandes fatigues, les plus grandes difficultés ne sont qu’un jeu pour lui.
On appelle figurément, Jeux de la nature, Certaines productions de la nature qui paroissent bizarres, extraordinaires. Cette coquille est un jeu de la nature. On admire le jeu de la nature dans les pierres qui représentent des arbres, des animaux et des ruines de bâtiment.
■ Jeu, se prend particulièrement pour Un exercice de récréation, qui a de certaines règles, et auquel on hasarde ordinairement de l’argent. Et dans cette acception, il se divise en jeux de hasard, comme, Le Passe-Dix, le Trente-et-Quarante, le Biribi ; jeux de combinaison, comme, Les Dames, les Échecs ; en jeux mêlés de combinaisons et de hasard, comme, Le Trictrac, le Piquet ; en jeux de commerce, comme, La plupart des jeux de Cartes ; en jeux d’adresse, comme, Le jeu de Paume, le jeu du Mail, le jeu du Billard, etc.
Dans cette acception générale, on dit : Un beau jeu. Un jeu divertissant. Un sot jeu. Un vilain jeu. Un jeu ennuyeux. Un jeu sérieux. Les règles du jeu. Mais c’est principalement des jeux de commerce ou de hasard, comme, Les cartes et le dés, qu’on dit : Aimer le jeu. Être adonné au jeu. Être âpre, ardent, attaché au jeu. Heureux, malheureux au jeu. Il sait bien le jeu. Je crains le jeu. Perdre au jeu. Gagner au jeu. Vivre du jeu. Le jeu l’a ruiné. On ne sauroit le tirer du jeu. Sortir du jeu. Se mettre au jeu. S’engager au jeu. Tromper au jeu. Escamoter au jeu. C’est de l’argent du jeu. La perte, le gain du jeu. Le hasard, la bizarrerie du jeu. Le jeu lui en dit, ne lui en dit pas. Jouer bon jeu, bon argent. Ils prirent querelle sur le jeu. Ceux qui regardent ne doivent point parler sur le jeu.
On dit, qu’On joue gros jeu, Quand on y joue de grandes sommes ; et, qu’Il y a grand jeu dans cette maison, Lorsqu’il s’y rassemble beaucoup de joueurs.
Quand un homme se mêle de quelque chose qui peut avoir des suites fâcheuses, on dit, qu’Il joue un jeu à se perdre, qu’il joue gros jeu.
On dit, Tenir le jeu de quelqu’un, pour dire, Jouer pour quelqu’un.
p. 755On appelle Jeux de renvi, Certains jeux de cartes, comme le Brelan et la Grande Prime.
Aux jeux de renvi, Ouvrir le jeu, C’est faire la première vade ; et, Fermer le jeu, C’est tenir la dernière vade, et ne point faire de renvi.
On dit, Tenir jeu, pour dire, Continuer à jouer avec un homme qui perd ; et, Couper jeu, pour dire, Se retirer avec gain, et ne vouloir pas tenir jeu.
■ Jeu, se prend aussi, pour Les règles du jeu, l’art de se bien conduire au jeu. Jouez le jeu. C’est le jeu. C’est le vrai jeu. Ce n’est pas mon jeu que de jouer ainsi.
Figurément en parlant d’un homme qui fait précisément ce qui convient le plus à ses intérêts, et ce qu’il doit faire, on dit, C’est son jeu. C’est son jeu de tirer l’affaire en longueur. C’est un homme qui sait bien son jeu.
■ Jeu, en parlant Des jeux de hasard, se prend souvent pour Les cartes qui viennent, ou pour les points qu’on amène aux dés ; mais il se dit principalement en parlant Des cartes. Il lui est venu beau jeu, bien du jeu. Il lui est rentré vilain jeu, un jeu détestable. Nous ne ferons pas un grand coup, le jeu est trop partagé. Je n’ai point de jeu. Mon jeu s’est bien fait. J’ai ruiné mon jeu en écartant. Cette carte a bien raccommodé mon jeu. On voit votre jeu. Cachez votre jeu. J’ai gagné à jeu découvert. Voilà mon jeu sur la table. Montrez votre jeu. Mon jeu est meilleur, vaut mieux que le vôtre. Il ne joue jamais qu’à jeu sûr. Il ménage, il conduit bien son jeu. Je vous prie, tenez mon jeu. Jouez mon jeu.
Il signifie aussi Ce que l’on met au jeu. Jouer gros jeu, petit jeu. Tirer le jeu. Il joue un jeu à se ruiner. J’y vais du jeu. Je suis du jeu, j’en suis du jeu. Termes dont on se sert au jeu de Brelan, et aux autres jeux de renvi. Jouer beau jeu, c’est-à-dire, Jouer le jeu que les autres valent.
On dit figurément, qu’Un homme sait bien couvrir son jeu, cacher son jeu, pour dire, qu’Il sait bien cacher ses desseins.
On dit figurément, qu’Un homme fait bonne mine à mauvais jeu, pour dire, qu’Il sait bien dissimuler, et faire semblant d’être content, quoiqu’il n’en ait pas sujet. Et dans le même sens on dit simplement, Bonne mine et mauvais jeu, en parlant d’Une personne qui, sous une apparence de joie, cache du chagrin ou de l’inquiétude.
On dit figurément et proverbialement, que Le jeu ne vaut pas la chandelle, pour dire, qu’Une chose ne vaut pas la dépense qu’on y fait, la peine qu’on y prend ; Jouer à jeu sûr, pour dire, Être assuré de réussir ; et d’un homme qui se comporte adroitement en quelque affaire, et qui sait bien dissimuler, qu’Il joue bien son jeu.
On dit figurément et familièrement, qu’Un homme a beau jeu, pour dire, que Dans une affaire importante, l’apparence du succès est pour lui ; Donner beau jeu à quelqu’un, pour dire, Lui procurer une occasion favorable, lui donner de grandes facilités. Et proverbialement et figurément, pour Donner à entendre qu’on ne peut s’attaquer à quelqu’un sans qu’il s’en ressente, et qu’il s’en venge, on dit, Si on le fâche, on verra beau jeu.
On dit figurément et familièrement, Mettre quelqu’un en jeu, pour dire, Le citer sans sa participation, le mêler à son insçu dans une affaire. Il m’a mis en jeu mal-à-propos.
On dit proverbialement et figurément, À beau jeu beau retour, pour dire, qu’On a bien de quoi rendre la pareille, ou qu’on l’a rendue.
On dit aussi proverbialement et figurément, d’Un homme qui ne va plus dans une maison, dans une compagnie où il avoit coutume d’aller, A quel jeu l’a-t-on perdu ? Et en parlant De certaines vieilles habitudes, ou de plaisanteries rebattues, on dit, que C’est le vieux jeu.
On dit, Tirer son épingle du jeu, pour dire, Se tirer habilement d’une mauvaise affaire où l’on s’étoit engagé.
On dit proverbialement et figurément, À tout venant beau jeu, pour dire, qu’On est en état de faire tête à tous ceux qui se présenteront.
On dit aussi figurément, Bon jeu bon argent, pour dire, Très-sérieusement et véritablement. Ils se sont battus bon jeu bon argent. Ils vont plaider bon jeu bon argent.
Au jeu de la Paume, on divise la partie entière en plusieurs jeux. Une partie de quatre jeux, de six jeux. Jouer en six jeux. Gagner le premier jeu. Avoir trois jeux à deux, trois jeux à point. Ils sont à deux de jeu.
Figurément et familièrement, en parlant De deux personnes qui se sont rendu réciproquement de mauvais offices, on dit, qu’Elles sont à deux de jeu. Et la même chose se dit De deux hommes qui ont été également maltraités dans quelque affaire.
■ Jeu, se dit aussi d’Un lieu où l’on joue à certains jeux. Un jeu de paume. Un jeu de longue paume. Un jeu de courte paume. Un jeu de boule. Un jeu d’arquebuse. Entrer dans un jeu de paume. Faire faire des jeux de boule.
On appelle aussi Jeux publics, Académies de jeux, Les lieux où l’on donne à jouer à toutes sortes de jeux. Et l’on dit De ceux qui donnent à jouer à jours réglés, qu’Ils tiennent un jeu.
Il se dit aussi De ce qui sert à jouer à certains jeux. Un jeu d’échecs. Un jeu de quilles. Un jeu d’oie. Un jeu de cartes. Un jeu neuf. Un vieux jeu. Un jeu complet. Un jeu entier. Il manque une carte à ce jeu, une pièce à ce jeu d’échecs.
Au jeu de Cartes, en parlant De la manière dont un homme a coutume de jouer, on dit, qu’Il a le jeu serré, pour dire, qu’Il n’aime pas à hasarder, à risquer. La même chose se dit aux échecs, d’Un homme qui n’étend pas assez son jeu.
Et au trictrac on dit, que Le jeu d’un homme est serré, est pressé, pour dire, que Les cases les plus éloignées sont faites, et que s’il amène des cinq ou des six, il ne les pourra jouer utilement.
On dit encore au Trictrac, Étendre son jeu, pour dire, Abattre beaucoup de dames, afin de faire plus facilement des cases.
■ Jeu, se dit aussi De la manière dont on touche les instrumens, comme le luth, les orgues, la viole, etc. Avoir le jeu beau, le jeu brillant, le jeu tendre, le jeu délicat.
On appelle les Orgues, Un jeu d’orgues. Et en parlant De divers jeux de l’orgue par lesquels on imite le son de la voix humaine, le son des flûtes douces, celui des trompettes, etc. on dit : Jeu de voix humaine. Jeu de flûtes douces. Jeu de trompettes. Le plein jeu, etc.
On appelle Jeu de viole, Quatre ou cinq violes de différentes grandeurs, pour jouer les différentes parties de la musique.
■ Jeu, se dit aussi De la manière dont un Comédien représente. Ce Comédien a le jeu tendre, touchant, pathétique. Il a le jeu noble. Sa figure est désagréable, mais son jeu plaît. Jeu muet.
On appelle Jeu de Théâtre, Certaines actions des Acteurs, qui consistent le plus souvent en gestes et en expressions du visage. Il y a dans cette pièce des jeux de théâtre qui font plaisir.
On dit proverbialement, C’est un jeu joué, pour dire, C’est une feinte concertée entre des personnes qui s’entendent.
■ Jeu, se dit aussi De l’exercice et de la façon de manier les hautes armes. Le jeu de la hallebarde. Le jeu de la pique. Le jeu du bâton à deux bouts. Le jeu de l’espadon, etc.
Il se dit aussi De la façon d’escrimer, de faire des armes. Je sais son jeu. J’ai étudié son jeu. Son jeu est de porter en parant, etc. Et on dit figurément De la manière d’agir de quelqu’un : Je sais son jeu. Son jeu est fort couvert, fort caché.
On appelle Jeu de mots, Une certaine allusion fondée sur la ressemblance des mots. C’est un froid jeu de mots. Ce jeu de mots est assez heureux, assez plaisant.
■ Jeux, au pluriel, se dit Des spectacles publics des Anciens, comme les courses, les luttes, les combats de Gladiateurs, etc. Tels étoient chez les Grecs, Les jeux Olympiques, les jeux Néméens, etc. Chez les Romains, Les jeux séculaires, les jeux du cirque, les jeux scéniques, etc. Jeux publics. Jeux solennels. Jeux anniversaires. Jeux célèbres. Des jeux en l’honneur de Jupiter, d’Hercule. On fit des jeux sur le tombeau de Patrocle, d’Achille, d’Anchise. On ordonna des jeux en l’honneur de l’Empereur. Conduire les jeux. Donner des jeux au peuple. Faire la dépense des jeux. Ouvrir les jeux. Commencer les jeux. Voir les jeux.
On appelle Jeux de prix, Ceux auxquels il y avoit des prix pour quelque exercice ; et encore aujourd’hui, en parlant de certains jeux, comme, Le jeu d’arquebuse, d’arbalète, d’arc, etc. on les appelle Jeux de prix.
p. 756On appelle Jeux Floraux, ou Académie des Jeux Floraux, Une assemblée qui se tient à Toulouse pour la distribution de quelques prix qui représentent des fleurs en or et en argent, et qui se donnent à ceux qui ont le mieux réussi en certains genres de Poésie, ou dans un Discours d’Éloquence. Remporter le prix aux Jeux Floraux.
En Poésie, on dit, Les Jeux, les Ris et les Grâces, les Jeux et les Plaisirs, les Jeux et les Amours ; et dans ces phrases on entend par les Jeux, Des espèces de Divinités allégoriques, qui sont censées présider à la Joie.
On dit de même, en parlant d’Une belle personne, que Les Jeux, les Ris et les Grâces l’accompagnent.
■ Jeu, en parlant De certaines choses d’art, se dit De l’aisance, de la facilité du mouvement qu’elles doivent avoir. Le balancier de cette horloge n’a pas assez de jeu. Il faut donner plus de jeu à ce ressort, à la penture de cette porte.
On dit encore, Le jeu de différentes parties d’une machine, pour dire, Le mouvement de ces parties, et l’accord qu’elles ont entre elles.
En Peinture, on dit, qu’Il y a du jeu dans une composition, lorsqu’il y a du mouvement, une variété d’aspects, et lorsque les objets ne sont point entassés, mais qu’ils laissent entre eux l’espace nécessaire à la facilité de leur mouvement.
On appelle Jeux d’esprit, Certains petits jeux qui demandent quelque facilité, quelque agrément d’esprit.
On appelle aussi Jeux d’esprit, Des productions d’esprit qui ont plus de gentillesse que de solidité, comme les anagrammes, les énigmes, les bouts-rimés, etc.
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