fort, orte

6e édition

FORT, ORTE.

adj.
■  Robuste, vigoureux. Un homme fort, extrêmement fort. Un homme grand et fort. Un homme fort et ramassé. Avoir le bras fort, la main forte, les reins forts. Avoir une forte constitution. C’est un homme fort, et qui résiste au travail, à la fatigue. Il est plus fort, moins fort qu’un tel. Il n’est pas assez fort pour porter tout cela. Ce cheval est-il assez fort pour le carrosse ? Un oiseau qui a l’aile forte.
Prov., Cet homme est fort comme un Turc, Il est extrêmement robuste, vigoureux.
Fort, signifie aussi, Grand et puissant de corps, épais de taille. Un fort cheval. Un fort mulet. Un cheval fort du dessous. Un fort mulet porte six cents pesant. On dit dans un sens analogue, Avoir la jambe forte, la main forte, etc.
Il se dit également Des choses, et signifie, Gros et épais de matière, capable de porter un poids ou de résister au choc. De fortes murailles. Une forte digue. Cet arbre est déjà fort. Il faut une poutre plus forte. Ces solives-là sont trop fortes pour la poutre. Il faut une barre de fer plus forte. Une planche qui n’est pas assez forte. De la vaisselle d’argent extrêmement forte. Coffre-fort : voyez Coffre.
Il se dit pareillement Des étoffes, des toiles, du cuir, etc. Un damas fort et plein de soie. Cette étoffe est forte, elle durera long-temps. Du ruban bien fort. Un cuir fort et qui résiste à l’eau.
Terre forte, Terre grasse, tenace, et difficile à labourer. Colle forte, Sorte de colle plus tenace que la colle ordinaire.
Fort, se dit aussi Des villes et des places de guerre ; et alors il signifie, Qui est en état de résister aux attaques de l’ennemi. Ville forte. Place forte. Le corps de la place est très-fort. Les dehors sont encore plus forts que le corps de la place.
Il se dit, quelquefois, Des troupes que leur nombre et leurs ressources mettent à même d’attaquer et de se défendre avec avantage. L’ennemi était plus fort que nous.
Fort, en parlant Des bois, des blés, etc., signifie, Touffu, rangé près à près. Les blés sont forts cette année. Un bois extrêmement fort. La haie est trop forte pour qu’on y puisse passer.
Fort, signifie encore, Rude, difficile, pénible. Un ressort qui est très-fort. Vous lui donnez là une forte tâche. Ils trouvèrent une montagne forte à monter. C’est un cheval fort à dompter.
Ce cheval a la bouche forte, est fort en bouche, Il n’obéit point au mors.
Fam., Le plus fort en est fait, Le plus difficile, le plus désagréable en est fait.
Prov., La jeunesse est forte à passer, Dans la jeunesse on a bien de la peine à modérer ses passions.
Fort, se dit figurément De ce qui est considérable dans son genre. C’est une forte maison, on y fait beaucoup de dépense. Une forte dépense. Recevoir un fort salaire, de forts appointements. Une forte somme. Un nombre plus fort qu’un autre. Ils laissèrent un fort détachement à la garde du butin. Les journées de travail sont plus fortes dans telle saison. Poids fort. Mesure forte. Une forte dose.
Un ordinaire fort, Une table servie tous les jours copieusement. Une forte entrée. Une entrée copieuse ; et, dans le même sens, Un plat fort, très-fort.
Voix forte, Voix pleine et qui se fait bien entendre.
Fort, au figuré, signifie particulièrement, Impétueux, grand, violent, énergique dans son genre. Forte pluie. Vent fort. Sons forts. Forte gelée. Forte chaleur. Forte douleur. Médecine trop forte. Forte maladie. Forte fièvre. Son pouls est fort et élevé. Il faut donner le feu plus fort. Le coup de tonnerre fut si fort que les vitres en tremblèrent. Donner une forte impulsion. Faire une forte résistance. En Musique : La mesure se divise en temps faibles et en temps forts. Appuyer sur les temps forts. Etc.
Il s’applique également Aux choses morales. Avoir une forte inclination, une forte passion pour quelque chose. Cela fit une forte impression sur son esprit. Causer une forte émotion.
Fam., Cela est plus fort que moi, se dit D’une passion, d’une répugnance, d’une habitude, etc., qu’on ne peut vaincre, surmonter.
Fort, se dit, dans une acception analogue à celle qui précède, De certaines choses qui font une vive impression sur le goût ou sur l’odorat. Liqueurs fortes. Vinaigre fort. Bière forte. Cidre fort. Le gingembre, le piment ont un goût très-fort. Cette eau de Cologne est bien forte, a une odeur bien forte. Ce tabac est trop fort pour moi.
Il se dit, particulièrement, De ce qui est excessivement âcre, désagréable au goût, à l’odorat. Du beurre fort. Avoir l’haleine forte.
Eau-forte. Nom que l’on donne ordinairement à l’acide nitrique, dans le commerce et dans les arts.
Graver à l’eau-forte, Graver sur une planche de cuivre avec le seul secours de l’eau-forte. On appelle par extension Eau-forte, Une estampe tirée sur une planche qui a été préparée à l’eau-forte, pour être ensuite terminée au burin, ou sur une planche entièrement gravée à l’eau-forte. Une belle eau-forte. Les eaux-fortes de Rembrandt.
Fort, se dit aussi pour Chargé, en parlant D’un liquide, d’une couleur, etc. Lessive trop forte. Vin fort. Bouillon trop fort. Ce thé est bien fort. Ce café est trop fort. Couleur forte. Des teintes plus fortes.
Fort, se dit en outre pour Puissant, tant au sens physique qu’au sens moral. Son parti est le plus fort. Vous aurez affaire à forte partie. Un homme est bien fort quand il a pour lui la justice. Céder au plus fort. C’est le plus fort qui fait la loi. Quand on n’est pas le plus fort, il faut céder. La raison du plus fort.
Main-forte. Voyez cette expression à son rang alphabétique, dans la lettre M.
Fort, signifie encore, Qui est bien fondé, qui est appuyé sur de bons principes. Cette raison-là est bien plus forte que l’autre. C’est un des plus forts arguments pour prouver l’immortalité de l’âme. Une forte objection.
Par comparaison du plus au moins, À plus forte raison, Avec d’autant plus de raison. Si l’on est obligé de faire du bien aux étrangers, à plus forte raison doit-on en faire à sa famille.
Fort, se dit également Des expressions, du style, etc., lorsqu’ils joignent l’énergie à la justesse, et qu’ils sont capables de frapper, d’entraîner. Une expression forte. Un style fort et concis. Une éloquence forte et rapide.
Il se dit aussi Des expressions, des termes, des propos durs et offensants. Cette expression-là est un peu forte. L’épithète est forte. Ce que vous dites là est un peu fort.
Fam., Cela est fort, paraît fort ; voilà qui est fort, se dit D’une chose qui étonne désagréablement, qui paraît extraordinaire, ou difficile à croire.
Fort, se dit souvent, au figuré, pour Habile, expérimenté, capable. C’est un homme fort. Il est fort sur ces matières-là, il y est fort plus que personne. Cet élève est fort sur la philosophie, sur l’histoire. Il n’est pas assez fort pour bien traiter un pareil sujet. Elle est très-forte sur le piano, sur la harpe. Être fort aux échecs, au piquet. Je ne joue pas contre vous, vous êtes beaucoup plus fort que moi. Il n’est pas fort.
C’est une tête forte, une forte tête, C’est un homme de beaucoup de jugement, de beaucoup de capacité. C’est une des plus fortes têtes du conseil, de l’assemblée. On appelle aussi Tête forte, Un homme qui porte bien le vin, qui peut en boire beaucoup sans s’incommoder.
Avoir l’esprit fort, Avoir de la vigueur, de la pénétration et de l’étendue d’esprit. Il a l’esprit fort, il n’est point accablé par la multitude des affaires.
Un esprit fort, se dit d’Une personne qui se pique de ne pas croire les dogmes de la religion ; et, en général, de Quiconque veut se mettre au-dessus des opinions et des maximes reçues. C’est un esprit fort. Il fait l’esprit fort. Les prétendus esprits forts.
Très-fam., Il est fort pour parler, pour pérorer, etc., se dit, par une sorte de dénigrement, De celui qui sait beaucoup moins agir que parler, etc.
Fort, se prend aussi, figurément, pour Courageux, magnanime, ferme. C’est un homme qui a un caractère fort, qui a l’âme grande et forte. La femme forte de l’Écriture. Cela est d’une âme forte.
Se faire fort, S’engager à quelque chose, se rendre caution, se rendre garant. Dans cette phrase, le mot Fort s’emploie toujours sans nombre ni genre. Je me fais fort d’en venir à bout. Il se fait fort de son ami. Elle se fait fort d’obtenir la signature de son mari. Ils se faisaient fort d’une chose qui ne dépendait pas d’eux. On dit dans le même sens, Se porter fort pour quelqu’un, Répondre du consentement de quelqu’un.
p. 786Fort, se met souvent avec la préposition en, ou avec la préposition de, suivie d’un substantif qui indique le genre de force, la cause, la qualité, les ressources, etc., qui rendent fort. Être fort des reins. Une place forte d’assiette. Cette armée est forte en infanterie, forte d’infanterie. Il est fort en cavalerie. Les ennemis sont plus forts en nombre. Une armée forte de cent mille hommes. Être fort en raisons. Ils étaient forts de nos divisions. Être fort de la protection de quelqu’un. Être fort de sa conscience. Ce discours est très-fort de raisonnement, est très-fort de style.
Prov. et pop., Être fort en gueule, Parler beaucoup, avoir la repartie prompte et rude.
Fort, se dit substantivement, surtout dans le style élevé, de Celui qui a la force ou la puissance. Protéger le faible contre le fort.
Les forts de la halle, Les portefaix qui font le service de la halle aux blés de Paris.
Fort, s’emploie également, comme substantif, pour désigner, L’endroit le plus fort d’une chose. Mettre une poutre sur son fort. Le fort de la voûte. Le fort de la balance. Gagner le fort de l’épée. Le fort de la boule.
Il se dit aussi de L’endroit le plus épais et le plus touffu d’un bois. S’enfoncer dans le fort du bois. Courir dans le fort.
Il se dit, en termes de Chasse, Du repaire, de la retraite, de certains animaux qui se réfugient toujours dans l’endroit le plus épais du bois. Le sanglier est dans son fort. Relancer une bête dans son fort.
Fort, substantif, se dit figurément et familièrement Du genre de mérite ou de savoir, de la qualité qui distingue une personne. Son fort, c’est l’histoire, la chronologie. C’est là son fort. La critique est son fort. C’est le tirer de son fort que de le tirer de là. C’est le prendre par son fort que de l’attaquer sur la géométrie. Tout le fort de cet homme est la mémoire. On dit dans un sens analogue : Connaître le fort et le faible d’une affaire. Savoir le fort et le fin d’un art.
Communément, Du fort au faible, le fort portant le faible, Toutes choses étant compensées, ce qui manque d’un côté étant suppléé de l’autre. Quatre chevaux porteront tout cela, du fort au faible. Des terres qui valent tant l’arpent, le fort portant le faible. Il a de bonnes et de mauvaises qualités ; mais, le fort portant le faible, c’est un assez galant homme.
Fort, substantif, signifie encore, Le temps où une chose est dans son plus haut point, dans son plus haut degré ; et il se dit tant Des choses physiques que des choses morales. Dans le fort de l’hiver. Dans le fort de l’été. Au fort de la tempête. Dans le plus fort de la guerre. Il est dans le fort de sa maladie. Dans le fort de sa fièvre. Un homme dans le fort de sa passion, dans le fort de la colère, peut-il écouter la raison ? Il ne faut pas lui en parler dans le fort de sa douleur, de son affliction.
Fort, substantif, se dit en outre d’Un ouvrage de terre ou de maçonnerie, en état de résister aux attaques de l’ennemi. Bâtir un fort. Attaquer un fort. Prendre un fort. Il n’y a qu’un fort de terre qui défende l’entrée du pont.
Fort, s’emploie aussi comme adverbe, et signifie, Vigoureusement, d’une manière forte et vigoureuse. Frappez fort. Heurtez plus fort. Poussez fort.
Il signifie aussi, Extrêmement, beaucoup ; et alors, quand on le met devant un adjectif ou devant un adverbe, il marque le superlatif. Il pleut fort. Il gèle fort. Il vente fort. Elle lui plaît fort. Cette entreprise lui tient fort au cœur. J’ai cela fort à cœur. Je crois fort qu’il s’y opposera. Il nie fort et ferme. Il en a été fort surpris. Cet ouvrage est fort estimé des savants. Fort beau. Fort laid. Elle est fort aimable. Cela est fort inquiétant. Il n’est pas fort habile. Fort bien. Fort mal.
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