Dire, Ne pas dire
Dire, Ne pas dire • Bonheurs et surprises
(07/09/2017)
(07/09/2017)
La boîte de buis, la boussole et le ciboire
Le nom buis est issu du latin buxus, qui désignait à la fois cet arbuste et le bois qu’on en tirait. Par métonymie, buxus devint le nom d’objets fabriqués dans cette matière : toupie, flûte, peigne, damier, échiquier, etc.
De buxus a été tirée une forme buxis, qui désignait, elle, une boîte taillée dans le buis. Ce nom changea peu à peu de forme et de sens, puisqu’au Moyen Âge on le retrouve sous les formes buxida, mais aussi buxta, busta, bustia pour désigner un reliquaire. Comme l’étymologie du mot s’était un peu perdue et que les reliquaires n’étaient plus nécessairement fabriqués en buis, on peut lire dans les textes médiévaux tantôt bustam argenteam, « reliquaire en argent », busteam cristallinam, « reliquaire en cristal », buxta eburnea, « reliquaire en ivoire ». En passant du latin médiéval à l’ancien français, forme et sens vont encore évoluer : notre buxita va devenir d’un côté une boiste, l’ancêtre du nom boîte (notons au passage que l’anglais box a la même origine), et d’un autre côté une broisse ou boisse, une bogue, celle-ci étant considérée comme un étui, comme une boîte renfermant la châtaigne. On lit ainsi dans Guillaume d’Angleterre, de Chrétien de Troyes :
« Ne savez vous que la chasteigne, /Douce et plaisant ist de la broisse Aspre et poignant… ? » (Ne savez-vous pas que la châtaigne, qui est douce et agréable, sort de la bogue, qui est rude et piquante… ?)
Le nom de l’arbuste, buxus, est également à l’origine du verbe deboissier, qui signifie sculpter du buis puis toute sorte de bois. Se sont ensuite ajoutés à ce premier sens ceux de « travailler » et de « décrire » : « Ensi devisent et deboissent / Les armes de ces qu’il conoissent », lit-on dans Lancelot. L’espagnol nous empruntera d’ailleurs cette forme verbale et en fera dibujar, qui signifie « dessiner ».
Les formes de latin médiéval évoquées plus haut ont donné naissance aux dérivés buxtula, bustula, bussula, qui signifient tous « petite boîte ». En passant du latin à l’italien, ces noms ont évolué en bussolo et bossolo, à l’origine de petits vases de bois, mais aussi en bussola, que nous avons emprunté pour en faire notre « boussole », celle-ci étant ainsi nommée parce que, jadis, cet instrument était placé dans une petite boîte de bois.
Tous ces termes sont d’origine populaire, mais le latin buxus avait un équivalent grec puxos, de même sens, dont l’évolution est comparable à celle du mot latin puisqu’il est à l’origine du nom puxis, désignant une boîte de buis que l’on utilisait pour conserver des médicaments et des onguents. Par la suite ce nom devint celui de boîtes de différentes matières où l’on serrait des objets de valeur. Le français emprunta ce nom, par l’intermédiaire du latin pyxis, sous la forme pyxide. On le rencontre d’abord, au xve siècle, en anatomie pour désigner les cavités dans lesquelles se logeaient, aux articulations, les têtes des os. Par analogie, en botanique, la pyxide désigne une capsule dont la partie supérieure se soulève comme un couvercle pour libérer les graines qu’elle contient. Mais elle est surtout connue dans la liturgie chrétienne comme étant un petit coffret rond où sont conservées les hosties consacrées. Cette pyxide appartient comme le calice et le ciboire, avec lesquels on la confond souvent, à l’ensemble des vases sacrés utilisés dans la liturgie.
Intéressons-nous pour finir au mot ciboire qui est un bel exemple de remotivation étymologique. Il nous vient du latin ciborium, qui le tenait du grec kibôrion. Ce dernier pouvait désigner la fleur ou le fruit du nénuphar. Il s’est employé ensuite par analogie de forme pour désigner un vase sacré destiné à recevoir les hosties consacrées, mais aussi, par un phénomène de renversement semblable à celui déjà vu pour la coupole, au dais qui couvre la chaire. Comme ce ciboire était destiné à recevoir le corps du Christ, offert en nourriture aux fidèles, et que son étymologie s’est peu à peu perdue, on a cru faussement, mais avec beaucoup de bon sens, qu’il venait du latin cibum, « nourriture ».
Notons pour conclure que l’autre vase sacré, le calice, a connu une évolution semblable à celle du ciboire, puisqu’il tire son nom du latin calix, « vase, coupe », nom que les latins rattachaient au grec kalux, « enveloppe de la fleur ».
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