manger

2e édition

[I.] MANGER.

v. a.
↪ voir aussi : [II.] Manger (n. m.)
■  Mascher & avaler quelque aliment pour se nourrir. Manger du pain, de la viande, du fruit. il a mangé tout cela à son disner. cela est bon à manger. les chevaux mangent du foin, de l’avoine. le loup mange la brebis. les limaçons, les chenilles mangent les fruits. les souris, les rats mangent les grains. les oiseaux mangent les moucherons, les vermisseaux.
■ Manger. Se met aussi absolument & sans regime. Il n’a mangé d’aujourd’huy. il n’a ny beu ni mangé. il a esté trois jours sans manger. il ne mange pas, il devore. ils boivent & mangent ensemble. il boit & mange ordinairement avec luy. il mange comme un chancre. donner à manger. salle à manger. l’appetit vient en mangeant.
On dit aussi au figuré, L’appetit vient en mangeant, pour dire, Que l’ambition, que l’envie d’amasser du bien, augmente tousjours.
On dit prov. A petit manger, bien boire. Il est du style familier.
On dit prov. Qui se fait brebis, le loup le mange, pour dire, Que qui a trop de bonté, trop de patience, trouve à la fin des gens qui en abusent.
On dit que Les gros poissons mangent les petits, pour dire, que Les gens puissants oppriment les foibles.
On dit, qu’Une personne a mangé son pain blanc le premier, pour dire, que le commencement de sa vie a esté plus heureux que la suite.
On dit aussi, En montrant une chose qu’on reservoit, Voilà ce que les rats n’ont point mangé. Il est bas.
On dit, De deux personnes accoustumées à vivre aux despens d’autruy, & interessées à bien vivre ensemble, La guerre est bien forte quand les loups se mangent.
On dit fig. & prov. qu’Un homme sçait bien son pain manger, pour dire, Qu’il entend bien ses interests, qu’il sçait bien se demesler de toutes sortes d’affaires.
■ Manger, Signifie aussi Prendre ses repas. Il va manger chez un tel. il mange à l’auberge. un p. 21tel tient table, il donne à manger. on mange proprement chez luy.
On dit, Manger son bien, pour dire, Consumer son bien, & il se dit plus ordinairement de ceux qui le dissipent en desbauches ou en folles despenses. S’il se jette dans la desbauche il mangera tout son bien en peu de temps. il aura bientost mangé tout son fait. il mange tout en chicane, en procés. il mangera dix mille escus, ou il en aura raison. il a mangé trois maisons. il a mangé deux belles terres. il a mangé plus d’or qu’il n’est gros. il a mangé son fait à plaider.
On dit fig. Ses valets le mangent. ses chevaux & ses chiens le mangent. les femmes le mangent, pour dire, Le ruinent, le consument en despense.
On dit qu’Une forge mange bien du charbon, pour dire, qu’Elle en consume beaucoup.
On dit aussi, que Certains legumes mangent bien du beurre, pour dire, qu’Il en faut beaucoup pour les apprester.
On dit, Il a mangé son bled en verd, son bled en herbe, pour dire, qu’Il a consumé son revenu avant que les termes en fussent escheus.
On dit, Manger de la vache enragée, pour dire, Souffrir beaucoup de faim & de fatigues. Il sçait ce que c’est, il a pati, il a mangé de la vache enragée. il est trop à son aise, il faut qu’il mange un peu de la vache enragée.
On se sert quelquefois du mot de Manger, pour dire, Quereller fortement, Il a pensé me manger le blanc des yeux. je n’ay garde de luy en parler, il me mangeroit.
■ Manger. Signifie aussi Faire deperir. La riviere mange ses bords. un ulcere luy mange la jambe. la verole le mange. le grand jour mange les couleurs. la roüille mange le fer. quelques-uns disent que la lune mange les pierres. les ormes mangent tout le suc, toute la graisse de la terre. un onguent, une poudre qui mange les chairs mortes.
On dit fig. qu’Une planche gravée, qu’une escriture est mangée, pour dire, qu’Elle est usée, effacée, & qu’on a peine à y rien connoistre.
On dit fig. Manger quelqu’un des yeux, pour dire, Le regarder avidement. Il se dit aussi des choses : Et Manger de carresses, pour dire, Faire de grandes caresses.
On dit d’Un enfant joly & beau, qu’Il est joly à manger, qu’il est à manger. Il est du style familier.
On dit fig. & prov. Je mangeray plustost mon bras jusqu’au coude, je mangeray plustost ma chemise, que je ne vienne à bout de telle chose, pour dire, Il n’est rien que je ne fasse pour venir à bout de telle chose. Il est bas.
Quand on est en grande colere contre quelqu’un, on dit par emportement, qu’On luy mangeroit le cœur.
On dit proverbialement, Se manger le blanc des yeux, pour dire, Se quereller fortement. Ils se sont mangé le blanc des yeux. Il est bas.
On dit par menace à un homme qu’on croit plus foible que soy, qu’On le mangeroit avec un grain de sel.
On dit d’Un homme qui ne prononce pas bien toutes les lettres, ou toutes les syllabes des mots, qu’Il mange ses mots, qu’il en mange la moitié.
On dit en termes de Grammaire, qu’Une voyelle finale se mange, Quand elle ne se prononce pas à cause de la rencontre d’une autre voyelle suivante. En françois l’E feminin se mange tousjours devant une voyelle.
■ Mangé, ée. part. Il a les significations de son verbe.
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