rime

RIME

nom féminin
Étymologie : xiie siècle. D’origine incertaine.
■  Retour d’un ou plusieurs phonèmes à la fin de deux ou plusieurs vers ; ce phonème ou ces phonèmes eux-mêmes. Rime en ‑ton, en ‑ège. La qualité de la rime. La disposition des rimes. Selon Voltaire, la rime est essentielle à la poésie française, où se font peu sentir la quantité prosodique et les accents d’intensité. Un dictionnaire de rimes. Loc. À la rime, à la fin du vers. Mettre à la rime « aimer » et « charmer », « belle » et « rebelle ».
▪ Spécialement. Rime féminine, constituée de mots dont la dernière voyelle est un e muet, comme « sage » et « courage », « fidèles » et « asphodèles ». Rime masculine, dont la dernière voyelle n’est pas un e muet, comme « paru » et « couru », « lilas » et « frimas », « fort » et « bord ». Rime pauvre, ne portant que sur la voyelle tonique finale, sans consonne d’appui, comme « lu » et « vu ». Rime suffisante, où la voyelle tonique est précédée ou suivie d’une consonne identique qui se prononce, comme dans « bienfait » et « forfait », « mort » et « sort ». Rime riche, constituée de mots ayant au moins trois phonèmes identiques, comme « porte » et « sorte ». Rime léonine, rime riche comportant deux voyelles non muettes, comme « passer » et « glacer ». Rime couronnée, qui est enrichie par la répétition de la même syllabe dans des mots différents. Le vers de Marot « Ma blanche colombelle belle » comporte une rime couronnée. Rime équivoquée, dans laquelle le même groupe de sons revient avec un sens différent, comme dans ces vers de Ronsard : « Comme on voit sur la branche au mois de mai la rose / Quand l’Aube de ses pleurs au point du jour l’arrose ». Rime pour l’œil, constituée de mots dont la finale est homographe sans être homophone, comme « fusil » et « exil ». Rime normande, qui associe à un infinitif en ‑er un mot en ‑er dont le r final se prononce. Dans les alexandrins de Baudelaire « Il est amer et doux, pendant les nuits d’hiver, / D’écouter, près du feu, qui palpite et qui fume, / Les souvenirs lointains lentement s’élever », « hiver » et « s’élever » forment une rime normande.
▪  Rimes plates ou suivies, telles que les vers qui se suivent riment deux par deux, selon le schéma AABBCC, par opposition à Rimes croisées ou alternées, telles que le premier vers rime avec le troisième, le deuxième avec le quatrième, etc., tout en respectant l’alternance des rimes féminines et masculines, selon le schéma MFMF ou FMFM, ou par opposition à Rimes embrassées, telles que deux rimes masculines sont intercalées entre deux rimes féminines, ou inversement, selon le schéma FMMF ou MFFM. « La Mort du loup », d’Alfred de Vigny, est un poème écrit en rimes plates. Les stances de Polyeucte, dans la pièce de Corneille, commencent par un quatrain à rimes croisées. Le poème « Harmonie du soir », de Baudelaire, comporte des rimes embrassées.
▪ Par extension. Rime intérieure, reprise, à l’intérieur d’un vers, de la rime finale. Dans le décasyllabe « Ainsi font pleurs, tristesses et malheurs » de Jean Lemaire de Belges, « pleurs » et « malheurs » forment une rime intérieure. Rime enjambée, répétition sonore située à l’enjambement du premier vers et à la fin du second vers. Les vers d’Aragon « Je crierai je crierai Ta lèvre est le verre où / J’ai bu le long amour ainsi que du vin rouge » présentent une rime enjambée. Rime enchaînée, constituée par la répétition de la dernière ou des deux dernières syllabes d’un vers à l’initiale du vers suivant, comme dans ces vers de Clément Marot : « Dieu gard ma Maîtresse et Régente / Gente de corps et de façon / Son cœur tient le mien en sa tente / Tant et plus d’un ardent frisson. » Rimes brisées, dans lesquelles on faisait rimer le premier hémistiche de deux vers, de telle façon que l’ensemble des premières moitiés et l’ensemble des secondes moitiés de ces vers, lues séparément, offraient un sens complet, comme dans ces vers de Mellin de Saint-Gelais : « De cœur parfait, chassez toute douleur / Soyez soigneux, n’ayez de nulle feinte / Sans vilain fait, entretenez douceur / Vaillant et preux, abandonnez la crainte. » Rime batelée, formée par la répétition au milieu d’un vers de la sonorité finale du vers précédent, comme dans ces vers de Jean Lemaire de Belges : « Notre âge est bref comme des fleurs / Dont les couleurs reluisent peu d’espace. » Rime senée, répétition, à l’intérieur d’un vers, de la même lettre à l’initiale de tous les mots. On trouve des rimes senées en « b » et en « f » dans les vers de Jean Molinet « Bouveaux, bouviers, bosquillons, bonhommeaulx / Fourniers, fournaulx, fèves, fains, fleurs et fruits / Par vos gens sont indigents ou détruits ». En composition. Holorime, Monorime, voir ces mots.
▪ Loc. fig. et fam. N’entendre ni rime ni raison, refuser de se rendre aux arguments, aux conseils d’autrui, s’obstiner dans une opinion mal fondée. N’avoir ni rime ni raison, se dit d’un discours dépourvu de sens.
▪ Au pluriel. Vieilli. Ensemble de vers, poème. Je vous envoie mes rimes. Loc. Mettre en rimes, mettre en vers.
 Titre célèbre : La Rime en 1940, essai de Louis Aragon (1940).
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