rompre
1re édition
ROMPRE.
v. a.■
Briser, casser, mettre un corps solide & continu en deux ou plusieurs pieces, sans le couper. Rompre un coffre, rompre une porte. rompre un baston, une baguette. rompre du pain, rompre un gasteau. il ne faut rien donner aux enfans, ils rompent tout. rompre avec violence. un coup de vent a rompu le grand mast. c’est un homme violent, il menace de tout rompre. on luy a rompu un bras, une jambe, une cuisse. j’aimerois mieux m’estre rompu un bras. il a le bras rompu en deux endroits. menacer de rompre bras & jambes à quelqu’un. se rompre une veine. rompre les reins. rompre le col.
On dit, Rompre un criminel sur la roüe, pour dire, Rompre les os à un criminel avec une barre de fer. On l’a rompu tout vif.
En matiere de combats, de tournois, on dit, Rompre une lance, rompre la lance, pour dire, Briser une lance en combattant ou en courant contre quelqu’un. Ils rompirent deux lances, trois lances. Et en ce sens on dit absolument, Rompre, pour dire, Rompre une lance. Ils ont couru trois fois, & n’ont point rompu. ce chevalier rompit de bonne grace.
Rompre en visiere, se dit figurement & signifie, Dire en face & brusquement quelque chose de fascheux & de desobligeant à quelqu’un.
On dit en termes de guerre. Rompre un bataillon, un escadron, pour dire, Enfoncer un bataillon, un escadron, le mettre en desordre. Il falut amener du canon pour rompre les bataillons. quand son infanterie, son avantgarde eut esté rompuë.
On dit fig. Rompre ses fers, ses chaisnes, pour dire, S’affranchir, se mettre en liberté. Et on dit encore, Rompre ses fers, ses chaisnes, ses liens, pour dire, Se delivrer d’une passion, d’un attachement. Il a quitté son peché, il a rompu ses liens. il n’est plus dans cet engagement, il a rompu ses chaisnes.
On dit prov. & fig. Rompre l’anguille au genou, pour dire, Prendre un moyen qui n’est pas convenable. Et, Rompre la glace, pour dire, Faire les premiers pas dans une affaire, en surmonter les premieres difficultez.
On dit fig. & prov. Rompre la teste à quelqu’un, pour dire, Luy faire trop de bruit, ou l’importuner par des discours hors de temps, hors de saison. On dit dans le mesme sens, Rompre les oreilles. vous nous rompez à tous momens les oreilles de la mesme chose. On dit aussi, Se rompre la teste à quelque chose, pour dire, S’y appliquer trop fortement ou inutilement.
Rompre les chemins, signifie, Gaster les chemins. Les pluyes, les gelées, le degel, le charroy ont fort rompu les chemins. les chemins sont fort rompus en hyver.
Rompre, signifie aussi, Arrester, destourner le mouvement droit de quelque corps. Rompre le vent. rompre le rayon visuel. rompre le fil, rompre le cours de l’eau.
On dit fig. Rompre le fil de son discours, pour dire, Quitter tout d’un coup la suite de son discours, & entrer dans une autre matiere.
Rompre, sign. quelquefois fig. Destruire, faire cesser, faire finir quelque sorte d’union, de liaison. Rompre l’amitié. rompre un traité, une alliance, un marché. rompre la paix. rompre la conversation, l’entretien. rompre le commerce qu’on avoit ensemble.
On dit aussi absolument, Rompre, pour dire, Rompre l’amitié, l’intelligence qu’on avoit ensemble. Ils ont rompu, ils ont rompu ensemble. ils ont rompu avec éclat. Et dans ce mesme sens on dit fig. & prov. Rompre la paille.
On dit aussi, Rompre un mariage, pour dire, Rompre un projet de mariage. Et, Rompre son voyage, pour dire, Ne pas faire un voyage qu’on avoit resolu de faire.
On dit, Rompre le camp, pour dire, Renvoyer les troupes dans leurs quartiers. Rompre son train, pour dire, Congedier son train. Rompre sa table, pour dire, Cesser de tenir table. Rompre son menage, pour dire, Cesser de tenir menage. Et, Rompre l’assemblée, pour dire, Faire cesser l’assemblée, Empescher que l’assemblée ne continuë. Et, Rompre le sommeil de quelqu’un, pour dire, Esveiller quelqu’un, troubler le sommeil de quelqu’un.
On dit en termes de chasse, Rompre les chiens, pour dire, Les rappeller pour les empescher de continuer la chasse.
On dit prov. & fig. Rompre les chiens, pour dire, Empescher qu’un discours qui pourroit avoir quelque mauvaise suite ne continuë.
On dit au jeu des dez, Rompre le dé, pour dire, Broüiller les dez qu’un autre avoit jettez avant qu’on ait pû voir ce qu’ils marquent. Il rompt le dé à tous momens. je vous romps ce coup-là. Et on dit figurément, Rompre un coup à quelqu’un, pour dire, Empescher qu’il ne reussisse en quelque chose qu’il avoit entrepris. Vous luy avez rompu son coup, rompu un beau coup.
On dit dans le mesme sens, Rompre le dessein, les desseins de quelqu’un. luy rompre ses mesures, pour dire, Empescher qu’il n’execute son dessein, qu’il ne reussisse dans les mesures qu’il avoit prises.
Rompre, signifie encore figurément, Manquer à l’observation de quelque chose à quoy on est obligé. Rompre la closture religieuse. rompre son jeusne. rompre le caresme. rompre sa regle, ses vœux. rompre son serment. rompre son ban.
Rompre, signifie encore fig. Stiler, dresser, exercer. Ainsi on dit, Rompre un homme aux affaires, pour dire, Rendre un homme habile, experimenté aux affaires. On l’a mis dans un tel employ pour le rompre aux affaires. il est rompu dans les affaires. Et on dit, qu’Un homme est rompu à quelque chose, pour dire, qu’Il y est habile, exercé, experimenté. Et en ce sens on dit, Rompre la main d’un jeune homme à l’escriture, le rompre à l’escriture, pour dire, L’exercer à escrire.
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Rompre, Est quelquefois n. comme en ces phrases. Cet arbre est si chargé de fruit qu’il en rompt. tous les arbres rompoient de fruits. ne chargez pas trop cette poutre, elle rompra. son espée rompit dans la poignée. la corde rompit.
On dit prov. Vous verrez beau jeu si la corde ne p. 417rompt, pour dire, Vous verrez des choses fort surprenantes dans quelque entreprise, si les moyens dont on se sert pour y parvenir ne manquent pas. Et proverbialement & fig. qu’Il vaut mieux plier que rompre, pour dire, qu’Il vaut mieux ceder que de se perdre. On dit aussi, Il rompra plustost que de plier, pour dire, Il perira plustost que de ceder.
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Rompre, est aussi n. p. Il ne faut pas trop charger cette poutre, de peur qu’elle ne vienne à se rompre. les souspentes du carrosse se rompirent.
A tout rompre. Façon de parler proverbiale. Tout au plus. Cette terre là à tout rompre ne vaut pas mille livres de rente. qu’il fasse son compte comme il voudra, mais à tout rompre, on ne luy doit pas mille escus.
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Rompu, ue. part. Il a les significations de son verbe.
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A bastons rompus. Façon de parler proverbiale, qui se dit des choses qui se font avec de frequentes interruptions, & à diverses reprises. Travailler à quelque chose à bastons rompus. parler d’une affaire à bastons rompus. je n’ay pû entendre ce discours qu’à bastons rompus.
On dit, d’Un homme qui se sent las & fatigué de quelque travail, de quelque incommodité, qu’Il se sent tout rompu, qu’il est tout rompu.
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Rompement. s. m. v. Il n’est en usage qu’en cette phrase, Rompement de teste ; pour exprimer la fatigue que cause le grand bruit, un discours importun, une trop forte application &c.
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Rupture. s. f. v. Fracture. Action par laquelle une chose est rompue, estat d’une chose rompuë. La rupture d’une porte, d’un coffre, d’un cabinet &c. la rupture d’un os, d’une veine, d’une artere, d’une membrane.
Rupture, signifie aussi, Hergne, descente de boyau. Il est fort incommodé d’une rupture.
Rupture, se dit fig. De la division qui arrive entre des personnes qui estoient unies par traité, par amitié, &c. Entiere rupture. rupture ouverte, manifeste, declarée. lequel des deux est l’autheur de la rupture ? ils en sont venus à une rupture, jusqu’à la rupture. ils estoient amis, mais il y a rupture entre eux. il y a rupture entre les Couronnes. il y a disposition à la rupture.
Il se dit aussi fig. De la cassation, de la resolution des traitez & des actes publics ou particuliers. Depuis la rupture de la paix. depuis la rupture de leur societé. cet accident fut cause de la rupture du mariage.
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Route. s. f. Grande allée faite exprés dans un bois, dans une forest pour la commodité du charroy, de la chasse, de la promenade, &c. Les routes d’une telle forest. dans la grande route. on a ouvert plusieurs routes dans la forest.
Il signifie aussi, Voye, chemin qu’on tient par mer ou par terre, pour aller en quelque lieu. Route bien aisée à tenir. route frequentée. la grande route. la route ordinaire. sur la route de Paris à Bordeaux, de Lion à Turin, &c. quelle route tiendrez-vous ? il a pris sa route par tels & tels lieux. la flote prit la route d’Alger, la route d’Egypte.
Il signifie aussi, Le chemin & les logemens qu’on marque aux gens de guerre qui marchent par pays. Ces troupes n’ont point encore de route. on ne leur a point donné de route, elles ont eu une bonne route, une mauvaise route. cet officier a bien, a mal vescu dans sa route.
On appelle aussi, Route, L’expedition qui marque les logemens des troupes, & le chemin qu’elles doivent tenir. Une route signée d’un Secretaire d’Estat.
Il se prend fig. pour la conduite, pour les moyens qui menent à quelque fin. Il a pris la bonne route pour arriver aux dignitez. la route qu’il tient ne le menera pas à une grande fortune, ne le conduira pas à la gloire, à une grande reputation. cet escrivain marche sur la route des anciens. on luy a marqué la route qu’il devoit tenir dans son travail. la route qu’il prend pour arriver à ses fins est la plus commode, la plus aisée, la plus courte, la plus seure, &c.
Route, signifie aussi, Fuite, dissipation d’une armée rompuë. Il a mis les ennemis en route. Il est vieux.
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A vau de route. Façon de parler adverbiale qui signifie precipitamment, & en desordre. Elle ne se joint qu’avec le mot de fuir, ou quelque autre qui marque fuite, & ne se dit que d’une troupe de gens de guerre. Les ennemis s’enfuirent à vau de route, s’en allerent à vau de route.
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Routier. s. m. On appelle ainsi Un Livre qui marque, qui enseigne les chemins, les routes de mer. Le routier de Constantinople. le grand routier. le routier des Indes.
On dit, d’Un homme qui est fort rompu, fort experimenté en quelque chose, que C’est un vieux routier.
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Routine. s. f. Usage acquis par une longue habitude, sans le secours de l’estude & des regles. Il n’a jamais estudié à fond, mais il a acquis je ne sçay quelle routine de discourir, de parler. il fait cela par routine. il ne sçait point de musique, mais il chante par routine. il a de la routine, quelque routine. la routine du Palais. une vieille routine. la routine du monde, de la Cour.
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Deroute. s. f. Fuite, dissipation de troupes qui sont rompuës. Grande deroute. deroute generale. il les a mis en deroute. c’est dans la deroute que se fait la grande tuerie.
Il signifie fig. Ruine, deperissement, desordre dans les affaires. C’est un homme en deroute. ses affaires sont en deroute. cet accident l’a mis en deroute.
On dit aussi fig. Mettre un homme en deroute, pour dire, Le presser vivement dans une dispute, dans une conversation, & le mettre dans un desordre d’esprit qui fait qu’il ne sçait que respondre.
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Corrompre. v. a. Gaster, alterer, changer en mal. Le grand chaud corrompt la viande. la fiévre corrompt la masse du sang, corrompt les humeurs. cela avoit corrompu l’air. le vent de Midy corrompt l’air.
Il se dit fig. dans les choses morales, & signifie, Changer d’un bon estat en un mauvais. Corrompre les mœurs d’un jeune homme. les mauvaises compagnies corrompent les mœurs, corrompent l’esprit des jeunes gens. On dit, Corrompre une fille, une femme, pour dire, La débaucher, la mettre à mal. Corrompre un Juge, pour dire, L’obliger par argent, ou par quelque autre moyen que ce soit à juger contre sa conscience. Corrompre des gardes, pour dire, Les gagner, & les faire agir contre leur devoir. Corrompre des tesmoins, pour dire, Les obliger, par argent ou autrement à porter un faux tesmoignage. Corrompre un Juge. corrompre un tesmoin par argent. se laisser corrompre par la faveur. il corrompit ses gardes, & se sauva.
Il se dit encore fig. en parlant d’un texte, d’un passage qu’on altere. Il a corrompu ce passage. on croit que le texte est corrompu en cet endroit.
Il se dit aussi en parlant de langage, de style. La lecture des mauvais autheurs corrompt le style.
Corrompre, signifie aussi, Alterer la forme, la figure, l’estat de certaines choses. Ainsi on dit, Corrompre la forme d’un chapeau. corrompre les bords d’un chapeau à force de le manier. elle se corrompt toute p. 418la taille à force de se tenir courbée. cela luy corrompra la taille.
On dit, Corrompre la crudité de l’eau, pour dire, Corriger, temperer la crudité de l’eau.
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Corrompre, est aussi n. p. Quand la masse du sang vient une fois à se corrompre. la viande se corrompt quand on la garde trop. l’air se corrompt par les chaleurs excessives.
Il s’employe aussi au n. p. en parlant des mœurs. Les mœurs se corrompent facilement par la frequentation des mauvaises compagnies. le siecle commence fort à se corrompre.
Il se dit encore au n. p. en parlant de langage. La langue latine commença à se corrompre peu de temps aprés Auguste.
Il s’employe encore au n. p. dans la signification d’Alterer la forme, la figure. Un cors de jupe qui commence à se corrompre.
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Corrompu, ue. part. Il a les significations de son verbe.
On dit, que Le François, l’Italien &c. sont du Latin corrompu, pour dire, que Ces Langues sont formées du Latin, que l’on a alteré, changé.
Il est aussi substantif, & alors il signifie Un homme desbauché, & dont les maximes & les mœurs sont corrompuës. C’est un corrompu, un vieux corrompu.
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Corrupteur. s. m. v. Celuy qui corrompt l’esprit, les mœurs. Ce sont des corrupteurs de jeunesse. c’est un corrupteur de filles. les corrupteurs de tesmoins sont encore plus coupables que les faux tesmoins mesmes.
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Corruption. s. f. v. Alteration dans les qualitez principales, dans la substance d’une chose qui se gaste. La corruption de la viande. la corruption de l’air. cela tend à corruption. la corruption du sang, des humeurs.
Il se dit aussi dans le Dogmatique, de l’Alteration qui arrive dans un Corps physique pour la generation & la production d’un autre. Les Philosophes disent que la corruption d’une chose est la generation d’une autre. l’espi ne se forme que par la corruption du grain.
Il se dit fig. de toute dépravation dans les mœurs, & principalement de celle qui regarde la justice, la fidelité, la pudicité. La corruption des mœurs. la corruption du siecle. la corruption de la jeunesse. la corruption du cœur de l’homme. le peché a laissé un fond de corruption dans toute la nature humaine. le monde n’est que corruption. un Juge soupçonné de corruption.
Il se dit aussi des changemens vicieux qui se trouvent dans le texte, dans un passage d’un Livre. Il y a corruption dans ce texte-là.
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Corruptible. adj. de tout genre. Sujet à corruption. Il n’y a rien sous le Ciel qui ne soit corruptible. les corps les plus humides sont les plus corruptibles.
Il signifie fig. Qui peut se laisser corrompre pour faire quelque chose contre son devoir. C’est un homme qui n’est pas corruptible.
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Corruptibilité. s. f. Qualité par laquelle un corps physique est sujet à corruption. La corruptibilité est attachée à tous les corps physiques.
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Incorruptible. adj. de tout genre. Qui n’est pas sujet à corruption. Il n’y a que les substances spirituelles qui soient incorruptibles.
Il signifie fig. Qui est incapable de se laisser corrompre pour agir contre son devoir. Un Juge incorruptible. un Magistrat incorruptible.
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Incorruptibilité. s. f. Qualité par laquelle une chose est incorruptible. L’incorruptibilité est une des qualitez, des proprietez des corps glorieux.
Il signifie fig. l’Integrité par laquelle un homme est incapable de se laisser corrompre, pour agir contre son devoir. L’incorruptibilité de ce Juge.
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Interrompre. v. a. Empescher la continuation d’un discours, d’une meditation, d’un travail, d’une negotiation, &c. Interrompre un discours. on a interrompu deux fois le sermon. sa meditation a été interrompuë. il ne voulut point interrompre son travail. En ce sens il se dit aussi avec l’accusatif des personnes. On l’a interrompu au milieu de sa harangue. pourquoy m’interrompez-vous ? sans vous interrompre.
Interrompre. Se dit aussi en parlant des empeschemens, des obstacles qu’on met au cours d’une riviere, & des coupeures & des traverses qu’on fait à une chaussée, à une allée, à un chemin, à une avenuë, & autres choses semblables. Cette allée est interrompuë par un fossé qui la traverse. on a fait une digue pour interrompre le cours de la riviere.
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Interrompu, ue. part. pass.
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Interruption. s. f. v. Action d’interrompre. L’interruption qu’on luy a faite l’a troublé dans son discours. l’interruption est venuë mal à propos. interruption de travail. l’interruption du commerce.
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VOISINAGE ALPHABÉTIQUE
- romaniste [II], n.
- romanité, n. f.
- roman-photo, n. m.
- romantique, adj.
- romantiquement, adv.
- romantisme, n. m.
- romarin, n. m.
- rombière, n. f.
- romescot, n. m. [5e édition]
- rompement, n. m. [7e édition]
- rompre, v. tr. et intr.
- rompu, -ue, adj. et n.
- romsteck, n. m.
- ronce, n. f.
- ronceraie, n. f.
- ronceux, -euse, adj.
- ronchon, -onne, adj.
- ronchonner, v. intr.
- ronchonneur, -euse, adj.
- roncier, n. m.