vivre
5e édition
[I.] VIVRE.
v. n. Conjugaison : Je vis, tu vis, il vit ; nous vivons, vous vivez, ils vivent. Je vivois. Je vécus. J’ai vécu. Je vivrai. Vis, vivez. Que je vive. Je vivrois. Que je vécusse, etc.■
Être en vie. Tous les hommes et tous les animaux qui vivent sur la terre. Les oiseaux vivent dans l’air, et les poissons dans l’eau. Si nous vivons en ce temps-là. Il a vécu cent ans. S. Louis vivoit au treizième siècle. S’il vit âge d’homme. Cesser de vivre. Être las de vivre. Ils vécurent ensemble.
On dit proverbialement, On ne sait qui meurt ni qui vit, pour marquer L’incertitude de la durée de la vie et du temps de la mort. Il faut lui donner une reconnoissance de l’argent qu’il nous a prêté, car on ne sait qui meurt ni qui vit.
On dit figurément : Il est toujours malade, il est dans des frayeurs continuelles, ce n’est pas vivre. Il ne vit pas, il ne fait que languir. On dit aussi, Il ne vit que pour lui, pour, Il ne songe qu’à lui, il ne s’occupe que de ses intérêts ; et dans le même sens, Il ne vit que pour servir Dieu, pour étudier, pour les autres, pour le bonheur des autres.
On dit de Dieu par excellence, qu’Il vit de toute éternité, qu’il vit dans les siècles des siècles, qu’il vit par lui-même, pour marquer Son existence éternelle et indépendante. Et on dit des Bienheureux, qu’Ils vivront éternellement avec Dieu dans la gloire, pour, qu’Ils jouiront de la vue de Dieu pendant toute l’éternité.
Il signifie figurément, Durer, subsister. Ainsi on dit dans le style soutenu : Un si grand Prince vivra éternellement dans l’histoire. La mémoire de ce Conquérant, son nom, sa gloire vivra jusque dans la postérité la plus reculée. On dit aussi, Cet ouvrage-là vivra, pour, qu’Il passera à la postérité. Les ouvrages frivoles ne vivent que peu de temps.
Il se dit aussi en termes de Dévotion, par rapport à la disposition de l’âme qui est en état de grâce. Ainsi on dit d’Un pécheur converti, qu’Il vit de la vie de la grâce, qu’il vit d’une vie nouvelle. Et dans l’Écriture Sainte, il est dit, que Le Juste vit de la Foi.
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Vivre, signifie aussi, Se nourrir, soutenir sa vie par le moyen des alimens. Donner à quelqu’un pour vivre, de quoi vivre, le faire vivre. Il n’a pas de quoi vivre. Il ne vit que de racines, de légumes. Les oiseaux qui vivent de grains, de proie, de carnage. Cet homme-là vit de peu, vit sobrement. Il vit aux dépens d’autrui, sur le commun, aux dépens du commun. Il fait cher vivre dans cette Ville.
On dit, Vivre de régime, pour, Vivre avec beaucoup de règle, pour rétablir ou pour conserver sa santé.
On dit, Vivre à table d’hôte, pour, Manger dans une hôtellerie, dans une auberge où l’on paye tant par repas. Et en parlant De plusieurs personnes qui n’ont qu’une table à frais communs, on dit, qu’Ils vivent en commun.
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Vivre, signifie aussi, Se nourrir, subsister par quelques moyens. Vivre de son bien, de ses rentes. Vivre de son travail, de son métier, etc. Vivre d’emprunt. Vivre d’aumônes.
On dit familièrem. Vivre de ménage, pour, Vivre avec économie. Et on dit, en plaisantant, d’Un homme qui vend ses meubles pour subsister, qu’Il vit de ménage. On dit aussi, Vivre d’industrie, pour, Trouver moyen de subsister par son adresse et par son savoir faire. Il ne se dit qu’en mauvaise part.
On dit figurém. Vivre d’espérance, pour, Vivre dans l’attente de quelque bien, et se soutenir par cette attente. Et en parlant d’Un homme à qui on ne connoît aucun bien, ni aucune ressource pour subsister, on dit familièrement, qu’Il vit de la grâce de Dieu, pour, qu’On ne sait comment il subsiste. La même chose se dit d’Un homme qui mange très-peu, et à peine autant qu’il faut pour se soutenir.
On dit d’Un artisan, qu’Il vit au jour la journée, pour, qu’Il n’a pour subsister que ce qu’il gagne chaque jour par son travail. Et on dit proverbialement et figurément, Vivre au jour la journée, pour, Passer sa vie sans vue, sans prévoyance.
On dit proverbialement, Item il faut vivre, pour, que La nécessité de pourvoir à sa subsistance doit excuser beaucoup de choses que l’on fait, et que l’on ne feroit pas sans cela.
On dit, Vivre à discrétion, en parlant Des soldats qui ont été envoyés dans un village, dans une ville, pour se faire traiter à leur gré par les habitans.
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Vivre, se dit par rapport à la dépense qu’on fait pour sa table, pour ses habits, pour son train, et par rapport aux commodités ou incommodités de la vie. Vivre splendidement, magnifiquement, honorablement, noblement, grandement, largement. Vivre en grand Seigneur. Vivre en Prince. Vivre en gueux. Vivre avec économie. Vivre mesquinement, sordidement, étroitement, pauvrement, petitement, misérablement. Il ne vit pas selon sa condition.
On dit aussi, Vivre noblement, pour dire, Mener un genre de vie dans lequel il n’y a rien qui puisse déroger à la noblesse.
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Vivre, se dit aussi par rapport à la manière de passer sa vie dans les divers états que l’on embrasse, les différens lieux qu’on habite, etc. Vivre dans le célibat, dans le mariage. Vivre dans le grand monde, dans l’obscurité. Vivre à la Ville, à la campagne, à la Cour. Vivre chez soi, chez ses amis. Vivre dans la solitude, dans la retraite, dans le cloître. Vivre dans la joie, dans la tristesse, dans les plaisirs. Vivre dans la crapule, dans la débauche. Vivre heureux, content, tranquille. Vivre malheureux.
On dit proverbialement et familièrement, Vivre paix et aise, pour, Passer sa vie tranquillement et dans l’abondance.
On dit proverbialement, Chacun vit à sa mode, pour, Chacun en use comme il lui plaît en ce qui le regarde. Il faut laisser chacun vivre à sa mode.
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p. 749Vivre, signifie encore, Se conduire, se comporter bien ou mal, eu égard aux mœurs et à la Religion. Vivre en homme de bien. Vivre saintement, sagement. Il a toujours vécu sans reproche. Il vit comme un Ange. Vivre régulièrement, religieusement. Vivre en bon Chrétien. Vivre en libertin. Vivre licencieusement. Vivre mal. Il faut bien vivre pour bien mourir. On meurt d’ordinaire comme on a vécu. Vivre au hasard, sans prévoyance, sans réflexion.
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Vivre, signifie aussi, Se comporter, se gouverner bien ou mal, eu égard aux différens devoirs de la société. Ainsi on dit, Vivre bien avec quelqu’un, pour dire, Observer tous les égards et toutes les mesures que demandent la bienséance, la politesse, et les divers degrés de liaison qu’on a avec lui. Il a toujours bien vécu avec sa femme, avec sa famille, avec ses voisins. Quoique nous soyons en procès, nous vivons pourtant bien ensemble. Il vit bien avec toute sa parenté. Et on dit, Vivre mal avec quelqu’un, pour, Ne point observer avec lui les égards et les mesures nécessaires. Il vit mal avec sa femme, avec sa famille, avec ses voisins.
On dit encore, Vivre bien avec quelqu’un, pour, Être en bonne intelligence avec lui, Ils vivent bien ensemble ; et, Vivre mal avec quelqu’un, pour dire, Être en mauvaise intelligence, en parlant Des personnes qui sont obligées de vivre ensemble. Cette femme vit mal avec son mari. Cet homme vit mal avec ses voisins.
On dit, qu’On ne sauroit vivre avec un tel, pour, qu’Il est d’une humeur incompatible ; et, qu’Un homme est aisé à vivre, pour, qu’Il est d’un commerce doux et facile, qu’il est aisé de vivre avec lui.
On dit, qu’Un homme sait vivre, pour dire, qu’Il a les manières du monde, qu’il sait se conduire suivant les usages reçus parmi les honnêtes gens. Il a de l’esprit, il a passé une partie de sa vie à la Cour, il sait vivre. Cet homme est fort incivil, il ne sait pas vivre.
On appelle Le savoir vivre, La connoissance et la pratique des bienséances et des usages reçus parmi les gens du monde. C’est un homme qui a bien du savoir vivre. Et on dit, Apprendre à vivre, pour, Acquérir cette connoissance, s’instruire de ses usages.
On dit familièrem. qu’On apprendra bien à vivre à quelqu’un, pour, qu’On trouvera bien moyen de le corriger, de le punir de quelque faute qu’il a faite.
On dit, On donne tant aux soldats pour le bien vivre, pour, On leur donne une certaine somme dans les quartiers, dans les garnisons, pour les obliger à ne rien exiger de leurs hôtes au-delà de ce qui est prescrit par les Ordonnances. Et dans ce sens là, on dit, Un certificat de bien vivre.
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Vivre, se dit encore par rapport au Gouvernement politique, aux Lois, aux usages du pays dans lequel on demeure. Vivre sous les Lois d’un Prince. Les Lois, les Coutumes suivant lesquelles nous vivons. On vit ainsi en ce pays-là.
On dit poétiquem. en termes de galanterie, Vivre sous les lois d’une Beauté.
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Vive Dieu. Sorte d’affirmation tirée de l’Écriture-Sainte.
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Vive le Roi. Acclamation pour témoigner qu’on souhaite longue vie et prospérité au Roi. Le Peuple cria, Vive le Roi.
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Vive, est aussi un terme dont on se sert pour marquer qu’On estime quelqu’un, qu’on fait grand cas de quelque chose. Vive un tel, c’est un galant homme. Vivent la Champagne et la Bourgogne pour les bons vins. Vive Paris pour la bonne compagnie et la bonne chère. Vive le vin, vive l’amour, vive la joie. Il est familier.
On fait de Vive-la-joie un substantif. C’est un Vive-la-joie, qui n’engendre pas de mélancolie, Un homme joyeux, qui écarte le chagrin.
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Qui vive ? Terme dont les sentinelles se servent dans les camps, et les patrouilles dans les détachemens, pour demander à toute personne qui approche d’un poste, d’une garde, d’une troupe, de quelle nation, de quelle armée et de quel parti elle est. On lui demanda, Qui vive ? il répondit, France. Les deux troupes en vinrent au Qui vive. Dans les Places les sentinelles crient, Qui va là ?
On dit ordinairement Être sur le Qui-vive, pour, Être dans un état d’alarme et de défiance. Et on dit aussi figurément d’Un homme susceptible et difficile à vivre, qu’Il faut être toujours sur le Qui-vive avec lui.
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VOISINAGE ALPHABÉTIQUE
- viveur, n. m.
- vivier, n. m.
- vivifiant, -ante, adj.
- vivification, n. f.
- vivifier, v. tr.
- vivifique, adj. [7e édition]
- vivipare, adj.
- viviparité, n. f.
- vivisection, n. f.
- vivoter, v. intr.
- vivre [I], v. intr. et tr.
- vivre [II], n. m.
- vivré, -ée, adj.
- vivrier, -ière, adj.
- vizir, n. m.
- vizirat, n. m.
- vlan !, interj.
- V.M., abrév.
- V.M.C., n. f.
- V.O., n. f.